Plan de « refondation » du système de santé québécois : Comment repenser la réglementation professionnelle pour la rendre plus agile?

Par Marco Laverdière, avocat, enseignant au programme de 2e cycle en droit et politiques de la santé de l’Université de Sherbrooke et chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de la santé de l’Université de Montréal et au H-Pod / Hub Santé : Politique, Organisation et Droit rattaché à cette même université

Le Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé (ci-après: « Plan Santé ») dévoilé récemment par le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, est particulièrement ambitieux, appelant à des changements multiples sur divers fronts. Le système professionnel québécois est lui-même interpellé, alors qu’en plus de la création d’un ordre professionnel pour les paramédics, le ministre annonce une volonté de décloisonner les professions de la santé.

Ce projet de décloisonnement n’est pas nouveau en soi, mais il s’inscrit plus largement dans un appel à l’agilité pour le système professionnel, formulé comme suit (p. 26) :

[L]es ordres professionnels liés au secteur de la santé et des services sociaux ainsi que l’Office des professions du Québec ont travaillé conjointement avec le Ministère pour faire évoluer la réglementation professionnelle dans le contexte de l’urgence sanitaire. Ainsi, plusieurs travailleurs auparavant non autorisés ont pu vacciner ou procéder au dépistage de la COVID-19, tout en assurant la qualité des soins. Il y a lieu de tirer des leçons de ces avancées temporaires pour améliorer de façon permanente la réactivité et la flexibilité en matière de gestion des ressources humaines.

On pourra noter ici qu’on reconnaît le fait que le système professionnel a finalement été à la hauteur des exigences de l’urgence sanitaire, ayant contribué activement à faire évoluer les règles pour assurer les services requis par la population, au chapitre du dépistage et de la vaccination par exemple.

Cette contribution a été facilitée par le fait que l’état d’urgence sanitaire décrété en 2020 suivant la Loi sur la santé publique, permettait dans certains cas de court-circuiter les processus législatifs et réglementaires usuels. Grâce à des décrets gouvernementaux et à des arrêtés ministériels qui pouvaient être édictés rapidement après consultation des principaux intervenants, on a pu atteindre les objectifs recherchés en temps utile. On pourrait dire à ce sujet que cette expérience suggère que si le système professionnel québécois semble parfois peu réactif, ce n’est peut-être pas seulement qu’en raison de la résistance ou des hésitations de certains de ses acteurs. Ainsi, il est possible que des processus trop lourds en matière d’actualisation des règles applicables soient également en cause.

Partant de ce constat, la question qui se pose maintenant est la suivante : Suivant l’adoption éventuelle du projet de loi 28 ou une autre intervention gouvernementale mettant fin à l’état d’urgence sanitaire, comment pérenniser la réactivité du système professionnel observée durant la pandémie? Bien sûr, il se peut que le législateur veuille intervenir par voie législative pour procéder au décloisonnement annoncé par le Plan santé, mais encore faudrait-il qu’une telle intervention soit bien conçue pour ne pas générer de nouvelles lourdeurs ou sources d’inertie. On ne devrait donc pas s’épargner une réflexion à cet égard, plus particulièrement en ce qui concerne les enjeux liés à la réglementation professionnelle.

Un système qui « carbure » à la réglementation

Pour apprécier les possibilités et limites de la réglementation professionnelle, il faut d’abord bien comprendre le fonctionnement du système professionnel québécois, qui repose sur une loi-cadre, le Code des professions (ci-après : C.P.), et sur 25 lois particulières, pour encadrer 46 ordres professionnels et 55 professions, dont près des deux tiers sont dans le secteur de la santé et des relations humaines. Actuellement, ce système génère à lui-seul un peu plus de 900 règlements, qu’il a fallu non seulement adopter, mais qu’il faut également constamment actualiser au gré de l’évolution des besoins et des contextes. Au Québec, le système professionnel compte parmi les plus « gros producteurs » de règlements, quand on le compare avec ce qu’on retrouve dans différents autres secteurs d’activités étatiques.

Ces règlements sont principalement adoptés par les ordres professionnels et à cet égard, il faut bien comprendre que s’ils sont si nombreux, ce n’est pas nécessairement le résultat d’un choix délibéré de la part de ces derniers. Il s’agit plutôt d’un choix du législateur, qui a décidé que pour un très grand nombre de matières pour lesquelles il y avait lieu d’encadrer l’activité des professionnels, il fallait le faire par la réglementation, pour chaque profession. Bien sûr, ce choix du législateur tient compte du fait que le Québec a opté pour un système qui repose en grande partie sur le principe de l’autoréglementation des professions en vue d’assurer la protection du public.

Or, si l’adoption ou la modification d’un règlement est réputée plus rapide et flexible que l’adoption ou la modification d’une loi, il faut ici prendre en compte qu’en raison des exigences du Code des professions, il s’agit quand même d’un processus relativement lourd. De façon générale, avec certaines variations suivant les sujets en cause, l’adoption d’un règlement par un ordre professionnel peut requérir différentes consultations préalables, un examen par l’Office des professions et une approbation par ce dernier ou par le gouvernement lui-même, sans compter les étapes de prépublication et de publication finale à la Gazette officielle du Québec. Ce processus requiert que diverses ressources y soient consacrées au sein des organisations concernées et, celles-ci n’étant pas illimitées, il en résulte qu’il faut dans certains cas prioriser certains dossiers au détriment d’autres. Au bout du compte et malgré des efforts d’optimisation des processus au cours des dernières années, il en résulte non seulement des problèmes de réactivité liés à certains délais, mais aussi, des enjeux en ce qui concerne l’allocation et l’utilisation des ressources des organisations en cause. Il s’agit d’ailleurs d’un problème qui préoccupe les différents acteurs du système professionnel depuis quelques années.

À cet égard, il peut être intéressant de comparer la situation du Québec en ce qui concerne le recours à la réglementation professionnelle, avec ce qu’on retrouve ailleurs au Canada. Voici une estimation sommaire du nombre de règlements adoptés pour encadrer trois professions de la santé avec des niveaux d’effectifs (nombre de membres) variés, au Québec, en Ontario et en Alberta :

Estimation du nombre de règlements encadrant l’exercice de différentes professions (principalement adoptés par des ordres professionnels)

Profession/Province Québec   Ontario Alberta
Médecins 41 règlements 3 règlements 1 règlement
Psychologues   16 règlements 4 règlements 1 règlement
Sages-femmes   19 règlements   5 règlements 1 règlement
Moyenne (par profession) 25 règlements     4 règlements 1 règlement

Sources: https://www.canlii.org et sites web des ordres professionnels concernés

Il faut bien sûr souligner les limites d’une telle comparaison, tant le cadre législatif est différent d’une province à l’autre. Aussi, une évaluation strictement quantitative, portant sur le seul nombre de textes réglementaires, a sans doute une valeur relative, étant compris que le fait de compter sur plusieurs règlements avec un nombre limité de dispositions ne constitue pas nécessairement un fardeau plus lourd que le fait d’avoir un nombre limité de règlements qui contiendraient par ailleurs un très grand nombre de dispositions. Sans compter que pour avoir un portrait plus juste, il faudrait aussi procéder à une évaluation qualitative, pour mieux apprécier la pertinence de la réglementation dans chacune de ces provinces, pour chacune des professions.

Avec ces réserves à l’esprit, on peut quand même envisager l’hypothèse qu’il y ait un écart marqué entre le Québec et les autres provinces visées quant au recours à la réglementation, sans qu’on puisse vraiment trouver d’explications totalement satisfaisantes. Après tout, il est peu probable que les enjeux de protection du public liés à l’encadrement des professions de la santé soient à ce point différents au Québec qu’ils justifient un recours accru à la réglementation. Peut-être peut-on invoquer des cultures juridiques différentes ou le « bijuridisme canadien » à titre d’explication, mais à cet égard, il faut se rappeler que le droit professionnel relève pour l’essentiel du droit public et non pas du droit civil.

Est-ce donc une « fatalité » que l’encadrement des professions doivent s’appuyer sur autant de règlements et sur un processus aussi lourd?

Quelques idées pour un système professionnel plus réactif

Le Québec n’est pas le seul à se préoccuper de questions liées à la lourdeur et à la pertinence de la réglementation professionnelle. Par exemple, le Professional Standards Authority (PSA), qui est chargé de surveiller et d’évaluer les autorités réglementaires et les registres de praticiens de diverses professions en vue d’assurer la protection du public au Royaume-Uni, s’intéresse de près à cette question. Ses travaux ont alimenté la réflexion un peu partout dans le monde, dont en Colombie-Britannique, dans le cadre d’un rapport percutant rendu public en 2018 qui contient un certain nombre de recommandations concernant une réorganisation du système d’encadrement des professions de la santé (Rapport Cayton), qui ont reçu un accueil favorable, bien qu’elles n’aient pas encore été totalement mises en œuvre.

Les travaux du PSA l’ont ainsi conduit en 2015 à proposer une approche désignée par l’expression « Right-touch », dont les fondements ne sont pas très éloignés ce qui ressort d’une analyse en « légistique matérielle ». Pour l’essentiel, cette approche incite à utiliser la réglementation professionnelle à bon escient et de façon proportionnée, seulement lorsqu’elle est nécessaire en vue de prévenir la matérialisation d’un risque ou d’en atténuer les conséquences, en comprenant que d’autres outils peuvent aussi être utilisés à cette fin.

Partant de là et en s’inspirant de ce qui se fait dans d’autres provinces ou même de ce qui ressort de certaines analyses effectuées dans l’appareil étatique québécois, on peut considérer d’autres moyens pour prévenir ou gérer le risque relatif à l’exercice d’activités professionnelles. Selon le cas, des activités d’information, de sensibilisation et de formation bien conçues et bien ciblées peuvent évidemment faire partie des moyens en question. Si toutefois on s’en tient aux instruments à caractère normatif et sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques approches qui pourraient permettre d’optimiser le recours à la réglementation professionnelle:

  • Le « regulatory sandbox » : Dans un contexte d’évolution rapide des connaissances, des technologies et des besoins de la population, il n’est pas toujours possible de déterminer à l’avance, de façon proportionnée et pérenne, quelles devraient être les règles permettant d’assurer l’encadrement efficace d’une activité donnée, dans un contexte donné. Moyennant certaines balises, il peut alors être pertinent d’opter pour une période d’essai, dans un cadre bien circonscrit, afin de permettre l’innovation et d’être en mesure, à terme, de déterminer si des règles doivent être imposées et, le cas échéant, lesquelles. C’est le propre du « regulatory sandbox » qui pourrait s’apparenter à un « projet pilote » visant à favoriser l’innovation en fonction de règles minimales. En lien notamment avec l’objectif du Plan santé de décloisonner les professions du secteur de la santé, il pourrait s’agir d’une approche à considérer dans certaines situations, en autant qu’il ne faille pas, pour chaque projet, avoir à modifier des lois ou des règlements pour y parvenir. Autrement dit, si on veut soutenir l’innovation en cette matière, peut-être faudrait-il prévoir dans le Code des professions, des dispositions qui pourraient permettre aux différents acteurs du système professionnel d’autoriser expressément des projets pilotes qui dérogent aux règles usuelles.

  • La législation et la réglementation « par objectif » : Il s’agit d’une approche qui vise à ce que la législation et la réglementation établissent des objectifs à atteindre plutôt que de prescrire des moyens à prendre. Les dispositions adoptées sont ainsi potentiellement plus pérennes, dans la mesure où elles peuvent s’adapter à l’évolution des contextes et des moyens à la disposition des personnes visées pour atteindre un objectif donné. Au Québec, divers groupes de travail ont proposé une telle approche au cours des dernières décennies. Bien sûr, l’analyse de la réglementation des ordres professionnels peut faire ressortir des exemples où des moyens très précis, plutôt que des objectifs, sont prescrits. Parmi divers exemples possibles, on peut citer le cas des règlements sur la formation continue obligatoire, qui sont habituellement assez prescriptifs quant aux moyens à prendre pour assurer le maintien des compétences, alors que la littérature à ce sujet est généralement assez partagée quant à l’efficacité d’une telle approche. On retrouve aussi dans le Code des professions des dispositions qui incitent à la prescription de moyens par voie réglementaire, comme l’obligation faite aux ordres professionnels, dans la foulée des travaux de la Commission Charbonneau, d’introduire dans leurs codes de déontologie (art. 87 1.1) C.P.) « des dispositions énonçant expressément qu’est interdit tout acte impliquant de la collusion, de la corruption, de la malversation, de l’abus de confiance ou du trafic d’influence ». Or, d’une part, le législateur avait déjà introduit une disposition générale posant cette interdiction pour tous les professionnels à l’article 59.1.1 du Code des professions, rendant cette intervention réglementaire redondante (voir ci-après, en ce qui concerne les dispositions communes). D’autre part, si tant est qu’une intervention normative des ordres était requise pour compléter celle du législateur, peut-être aurait-il été préférable que ce dernier leur laisse le choix des moyens permettant d’atteindre l’objectif de prévenir les actes indésirables en question.
  • Les disposions communes : Ayant été un précurseur en matière d’encadrement des professions avec l’adoption en 1973 du Code des professions, qui instaure des règles communes sur plusieurs sujets pour l’ensemble des professions, le Québec pourrait sans doute miser encore plus sur cette approche. Pour ne prendre que cet exemple, pourquoi multiplier les règlements (soit habituellement un règlement par ordre professionnel dans le domaine de la santé) pour autoriser les étudiants à poser des actes professionnels dans le cadre des programmes de formation initiale conduisant au permis d’exercice, alors qu’il serait possible, comme on le voit dans la loi-cadre ontarienne (art. 29 1) b)), de miser sur une seule disposition législative pour le faire, quitte à ce que des règles particulières puissent être édictées lorsque requis. Une telle approche ne suppose pas nécessairement de mettre de côté le principe de l’autoréglementation des professions, mais simplement de bien cibler les sujets pour lesquels il n’est pas utile de multiplier des règlements énonçant des règles similaires et qui n’ont donc pas de grande « valeur ajoutée » en fonction des objectifs identifiés. Dans une certaine mesure, le projet de loi 19 récemment présenté, qui vise à instaurer un cadre juridique commun pour l’ensemble des professions de la santé en ce qui concerne les renseignements de santé, est une initiative intéressante, bien que perfectible dans son état actuel.

  • Les règlements administratifs: Il s’agit ici de textes normatifs qui peuvent avoir un caractère assez formel, mais qui ne sont généralement pas soumis au processus d’examen et d’approbation préalable d’une instance gouvernementale, ce qui permet une certaine agilité dans leur mise à jour. Ils peuvent toutefois être soumis à des exigences de communication aux instances gouvernementales et de diffusion publique (dans le site web, dans le rapport annuel, etc.). Comme exemple, on pourrait citer le cas des « standards of practice » adoptés par les ordres professionnels ailleurs au Canada afin d’encadrer la pratique de leurs membres (bien que dans certains cas, ces instruments peuvent aussi s’apparenter à des instruments « pararéglementaires »; voir ci-après). Le recours à ces instruments n’exclut pas que les autorités gouvernementales aient un droit de regard et puissent éventuellement demander ou imposer des modifications (voir par exemple, en Alberta, l’article 135.5 de la loi-cadre). De tels règlements administratifs sont aussi souvent utilisés pour encadrer la régie interne des ordres professionnels (parfois appelé « by-laws » en anglais). Au Québec, le cas des règlements intérieurs des comités d’enquête à l’éthique et à la déontologie des ordres professionnels pourrait être un exemple de règlement administratif.

  • Les instruments « pararéglementaires », comme les guides d’exercice, les lignes directrices, etc. : La rédaction d’un règlement obéit à des règles de légistique formelle particulières, qui requiert des ressources spécialisées, dans le cadre d’un processus dont la lourdeur a déjà été évoquée. Ainsi, la rédaction réglementaire ne permet pas toujours de communiquer efficacement et clairement avec les principaux destinataires, soit les professionnels ou le public. C’est pourquoi, pour clarifier les règles applicables avec une certaine souplesse, les ordres professionnels ont régulièrement recours à divers instruments, parfois qualifiés comme étant du « soft law », comme les guides d’exercice, les lignes directrices, etc. Ceux-ci ont l’avantage d’être moins contraignants qu’un règlement au niveau de la rédaction, permettant davantage de favoriser l’approche du « langage clair », et ils peuvent être assez facilement mis à jour au gré de l’évolution des besoins. Dans certains cas, le recours à de tels instruments pourrait éviter d’avoir à adopter ou à modifier une loi ou un règlement. Comme pour les règlements administratifs, les instruments pararéglementaires peuvent être soumis à des exigences de communication publique et à un droit de regard des autorités gouvernementales. Même s’ils n’ont pas la même portée qu’un règlement, la valeur indicative de ces instruments est généralement reconnue par les tribunaux en droit professionnel, entre autres lorsque vient le temps de mieux circonscrire les « normes généralement reconnues dans la profession ». À ce sujet, pour mieux soutenir la valeur de ces instruments, il pourrait être intéressant que le Code des professions prévoit expressément la possibilité pour les ordres professionnels d’y avoir recours. C’est d’ailleurs déjà le cas pour l’Office des professions en ce qui concerne la gouvernance des ordres, le contenu de leur site internet et les communications électorales pour les candidats aux postes d’administrateurs (art. 62.0.1.1, 62 et 67 C.P.), comme ce l’est aussi pour d’autres autorités réglementaires (voir par exemple dans le cas de l’Autorité des marchés financiers et du Commissaire au lobbyisme).

En conclusion, si on veut que le système professionnel québécois puisse relever le défi posé par le Plan santé, il faudra non seulement que ses acteurs maintiennent l’esprit d’ouverture et d’initiative observé durant la pandémie, mais encore faudra-t-il que ceux-ci disposent de moyens pour faire preuve de l’agilité recherchée. Le législateur québécois devra donc lui-même impulser un changement d’approche en ce qui concerne la réglementation professionnelle. Par ailleurs, dans le contexte où ce même Plan santé prévoit le recours à certaines ressources du secteur privé, il y aura lieu d’éviter de conclure trop rapidement que pour atteindre les objectifs recherchés, il faudrait nécessairement déréglementer, en totalité ou en partie, des activités professionnelles, au risque d’affaiblir les mécanismes de protection du public. Au vu des diverses solutions disponibles, il n’apparaît pas nécessaire de faire de compromis en cette matière pour que le système professionnel dispose des outils requis pour répondre efficacement et en temps utiles aux besoins de la population en matière de santé.

Ce contenu a été mis à jour le 6 avril 2022 à 13 h 52 min.

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